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Être plutôt que paraître : un courage nécessaire à la liberté.

Est-il anormal de vouloir « paraître » ? D’essayer de donner de soi l’image la plus favorable, quitte à ce qu’elle ne corresponde pas pleinement à ce que nous sommes ? Pourquoi sommes-nous souvent enclins à cette distorsion de la réalité ?

1/ Il est normal de vouloir paraître.      

A première vue, il n’y a pas de raison de culpabiliser à ce sujet : si nous désirons « paraître », c’est parce que nous sommes sensibles au regard de ceux qui nous entourent, ce qui est normal puisque nous vivons en société. Comment interpréter, dans ce cas, l’affirmation de certains : « moi je me fiche totalement de ce que les autres pensent de moi ! » ? Soit comme une forme de sociopathie 😊, caractérisée par un défaut d’empathie qui empêche de comprendre ce que les autres peuvent ressentir, soit comme l’expression d’un désir d’afficher une image d’indépendance, de liberté d’esprit, qui s’inscrit précisément dans un désir de paraître. Être sensible au regard des autres et essayer de leur offrir une bonne image de soi-même n’est donc pas négatif en soi.

2/ Mais ce désir de paraître est souvent le reflet de nos vulnérabilités.

               En revanche, il peut être utile de s’intéresser aux motivations profondes qui nous poussent à nous construire une telle image vis-à-vis de l’extérieur. En creusant un peu, on identifie souvent des peurs non exprimées ou des besoins insatisfaits. A ce titre, nous pourrions citer Jean de La Fontaine et sa « Grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ». Mais la nature nous offre elle-même de nombreux exemples tels que la surprenante chenille de Hemeroplanes triptolemus qui vit notamment au Costa Rica et prend l’apparence d’un serpent pour faire fuir ses prédateurs. L’image qu’elle donne d’elle-même tient à sa peur de se faire dévorer.

© Andreas Kay/Flickr/CC BY-NC-SA 2.0 – article GEO

En ce qui concerne les êtres humains, on parle de la « représentation » de nous-mêmes, un terme intéressant puisqu’on l’utilise également pour désigner une pièce de théâtre. Or jouer un rôle à longueur de temps n’est pas sans conséquence sur notre moral, notre motivation et notre santé en général.

3/ A trop vouloir paraître, je m’épuise et ne suis plus.

D’abord, jouer en permanence un rôle est énergivore : tous les acteurs professionnels pourront en témoigner. Paraître me contraint à vivre dans une tension permanente, dans la peur de faire une fausse note et d’être ainsi démasqué.

Ensuite, cela nous contraint à changer constamment de costume pour incarner les rôles de notre vie : celui du bon professionnel, du bon parent, du bon enfant, du bon ami… au risque de nous perdre nous-mêmes en finissant par croire à notre propre masque.

Enfin, bien que l’image que je veux donner de moi soit positive (ex : être quelqu’un de bien, être fiable, être fort, être courageux, être exemplaire, être performant…), elle devient un frein pour moi dès que j’en fais un objectif personnel. Dans ce cas, en effet, je vais me mettre à agir pour montrer aux autres ou pour me prouver à moi-même que je suis cette image positive. Ce faisant, je suis centré sur moi-même et j’empêche ainsi les autres de me voir sous mon meilleur jour.

Plus j’essaie de paraître, moins je suis.

Que ressentez-vous lorsque vous poursuivez un objectif qui s’éloigne à mesure que vous tentez de l’atteindre ? Frustration et finalement découragement.

A trop vouloir paraître, on finit par se décourager et perdre confiance en soi. C’est ce qui conduit certaines personnes à devenir aigries avec les années et qui pousse, par exemple, de plus en plus d’« influenceurs » des réseaux sociaux vers la dépression.

4/ Accepter sa vulnérabilité est un chemin de liberté et de leadership.

Vulnérabilité ne veut pas dire faiblesse : être vulnérable c’est reconnaître que l’on a besoin des autres et que l’on ne peut réussir seul. En d’autres termes, avoir le courage de se reconnaître vulnérable, c’est accepter la réalité telle qu’elle est, c’est être pleinement lucide, condition nécessaire pour prendre des décisions avisées et ajustées.

Du point de vue du leadership, lorsqu’un manager accueille paisiblement sa propre vulnérabilité, il donne du sens à l’équipe qui l’entoure : « seul, je n’y arriverai pas. J’ai besoin de vous pour réussir ! ». C’est un message plus motivant que « je suis parfait et j’essaye de vous tirer vers mon niveau de perfection… [que vous n’atteindrez jamais, je l’espère, pour ne pas me faire concurrence 😉…] ».